Sécurité: L’influence de l’équipe sur les comportements
Cela ne vous est probablement pas étrange du tout. Un employé bien formé avec une bonne connaissance des risques et le bon comportement de sécurité est placé dans une nouvelle équipe. Les habitudes risquées de l’équipe sont rapidement copiées par le nouveau venu. Comment est-il possible qu’un employé qui fonctionne bien depuis des années, est disposé à ignorer sa sonnette d’alarme interne en un rien de temps, et se met à montrer un comportement dangereux?
La recherche sur le cerveau des rats nous aide à comprendre ce processus.
Contenu:
• Cerveaux : humains et ceux des rats
• L’architecture du cerveau
• Expérience 1: prise de conscience du danger
• Expérience 2: impact de l’empathie sur la perception du danger
• Analyse
• Sécurité : la mise en pratique
• Résumé
Cerveaux : humains et ceux des rats
La fonction cérébrale des rats et des humains présente des similitudes frappantes. Tous deux sont intelligents et dotés d’une grande intelligence sociale. En partie pour cette raison, les chercheurs de l’Institut néerlandais des neurosciences mènent également des recherches sur le cerveau des rats. Récemment (12-2019) Han et al. ont publié un article dans PLoS Biology. L’article traite l’influence de l’empathie chez les rats dans des situations dangereuses. L’étude montre que la réponse des rats vis-à-vis d’un danger dépend du comportement de leurs pairs. L’environnement social influence apparemment leur perception de la peur et donc leur comportement.
Voici un bref rapport de cette expérience scientifique et une traduction vers la science de la sécurité.
L’architecture du cerveau
Le cerveau se compose de deux moitiés symétriques. Elles sont fusionnées au milieu et en bas. Quand on regarde le cerveau vu du haut, nous voyons un écart profond entre ces deux moitiés. Les parois latérales de cette fente jouent un rôle important dans la perception de la douleur et de la peur du danger tant chez l’homme que chez le rat. Ces parois jouent également un rôle important dans la perception de chacun, et est donc une partie importante de ce que nous appelons l’empathie. En injectant un anesthésique dans cette fente chez le rat, l’effet de ces zones s’affaiblit temporairement. Alors que d’autres parties du cerveau continuent à fonctionner normalement, l’empathie est dés lors brièvement désactivée. Cela permet de mieux comprendre la contribution de l’empathie sur le comportement global.
Expérience 1: la prise de conscience du danger
L’étude a pour but de comprendre comment la peur fonctionne en relation avec le comportement social. Tout d’abord, il a été étudié comment les rats développent de l’empathie pour la peur. Les rats ont été exposés à un électrochoc à travers un plancher métallique dans une partie de la cage. Suite à un tel choc, les rats sont surpris et sursautent. La question est de savoir ce que font les autres rats qui observent cet événement. Les rats qui ont déjà subi un électrochoc eux-mêmes, réagissent bien plus fortement à la réaction de sursaut de la victime, que les autres que les rats qui ne savent pas ce qui provoque le choc. Sans sa propre expérience du danger, le rat observateur ne développe pas de compassion. Cette première expérience est donc cruciale pour comprendre les réponses empathiques.
La fonction de l’empathie est de permettre aux rats de se préparer mutuellement au danger. Cette propriété a été bénéficière à la survie de l’espèce durant 20000 années d’évolution.
Le parallèle avec la gestion de la sécurité réside se situe dans le programme d’intégration d’un nouveau collègue. C’est lors de cette intégration qu’il devrait apprendre à ressentir les dangers sur son nouveau lieu du travail. La perception du danger ne survient pas par lui-même. Il doit être cultivé.
Expérience 2: impact de l’empathie sur la perception du danger
Une fois que tous les rats ont développé un sentiment de danger, un rat a de nouveau été mis dans un état dangereux. D’autres rats l’ont observé de près sans être eux-mêmes exposés au danger. Les rats observateurs ont maintenant été divisés en deux groupes. Alternativement, ils ont participé à l’expérience. Une moitié a reçu une anesthésie dans les zones du cerveau qui peut évoquer de l’empathie en cas de danger. L’autre moitié n’a reçu aucun prétraitement.
Le groupe non anesthésié a réagi violemment à la vue d’une nouvelle victime qui a reçu un électrochoc. C’est ce qu’on appelle la contagion émotionnelle. À son tour, le rat a réagi plus violemment à ressentir le choc par rapport à la situation de test précédente sans public. Un sentiment partagé renforce la réaction au danger chez le rat.
Dans le groupe anesthésié, la fonction d’empathie a été temporairement désactivée. Ils n’ont montré aucune compassion et ont à peine répondu au congénère surpris. L’absence de réponse empathique a également affecté le rat surpris. Il a réagi beaucoup moins violemment au choc. Le fait de ne pas répondre à la réponse empathique lors de l’observation des rats conduit à un affaiblissement de la réponse au danger. Si personne n’a peur, ce ne sera probablement pas si dangereux.
En résumé: la force de la réaction au danger dépend de la force avec laquelle les congénères réagissent à la situation. Une réponse empathique de leur part renforce l’expérience. Son absence l’affaiblit.
Analyse
Les expériences montrent que la perception du danger est un processus en deux étapes. Tout d’abord, on prend conscience du danger en l’expérimentant soi-même. Une fois le danger appris, la deuxième étape peut suivre. Cette expérience renforce ou affaiblit la première expérience grâce à la réponse des pairs dans l’environnement. Nous savons par d’autres recherches que le traitement de ces stimuli a lieu dans le cortex pré-frontal. C’est une zone directement derrière le front. Apparemment, ce domaine fait un compromis. La sonnette d’alarme interne est ainsi liée à l’observation des réactions des congénères. Les réactions des autres dans l’environnement aident à déterminer dans quelle mesure nous éprouvons le danger.
La conscience du danger n’est donc pas une constante, mais fluctue selon les circonstances dans lesquelles on se trouve.
Sécurité : la mise en pratique
Le message est qu’un comportement sécuritaire commence par une formation appropriée. Cet effort peut porter ses fruits ou être complètement annéanti. Cela dépend du comportement des autres dans l’environnement. Les modèles de rôle qui affichent un comportement dangereux incitent un nouvel employé bien formé à adopter un comportement dangereux en un rien de temps. La sonnette d’alarme interne perd alors dans la lutte avec l’effet de l’exemple montré par les nouveaux collègues de travail.
Résumé
Une période de formation concernant les risques sur le nouveau lieu du travail, est indispensable pour en arriver à un comportement sûr. Ensuite, c’est l’équipe dans laquelle l’employé travaillera qui déterminera en fin de compte le rendement de cette formation.
Cela donne au gestionnaire de première ligne un puissant levier pour influencer le comportement des employés. Après tout, c’est lui le modèle par excellence.
Source
Cet article blog est basé sur une publication de Juni Daalmans, auteur des livres « Veilig werkgedrag door Brain Based Safety », et « Eerstelijns leidinggevende en veilig werkgedrag ».
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jean-louis@brainbasedsafety.com